Les Tirages du 25 c Cérès au Type III. (par Pierre Davous)
Introduction (30 Juin 1999)

La présente note reprend certains éléments de l'étude de 1998 sur les Planches de 1874, mais étend l'analyse à la période 1875 / 1876.
Son but est de préciser ce que l'on sait à ce jour sur les techniques utilisées pour les planches du 25 c Cérès Type III.
Les informations données en italiques comportent un certain degré d'incertitude. En revanche, les informations données en caractères normaux peuvent être considérées comme relativement sûres et peuvent être appuyées par des analyses détaillées fondées sur des pièces disponibles et non sur des hypothèses.

Avertissement sur la numérotation des Planches de 1874.

Depuis l'époque des grands reconstructeurs, aujourd'hui disparus, du 25 Centimes Cérès (C.Chase, P.Germain, A.Cailler ), on sait que quelques clichés au Type III ont été utilisés conjointement à des clichés au Type II pour réparer la Planche 5 , au début de 1874.
Trois autres Planches & trois seulement ont servi en 1874 pour l'impression du Type III.
L'existence d'une planche au Type III contenant quelques clichés au Type II a été l'objet de longues controverses. Plusieurs articles, de T.Bernard notamment, apportaient de fortes présomptions en faveur de l'existence de cette planche. Aujourd'hui le doute n'est plus de mise, malgré l'espoir de P.Germain de voir un jour placées dans la Planche 5 toutes les reconstitutions partielles comportant un mélange de clichés au Type II & au Type III.
Ces reconstitutions ont maintenant trouvé leur place dans la Planche 7 dont un panneau est presque entièrement reconstruit et l'autre fort avancé.
N.B. Les lecteurs avertis s'étonneront peut-être que je donne le nom de 'Planche 7' à cette planche, alors que, lors des controverses rappelées ci-dessus, on donnait en général le nom de 'Planche 6' à cette hypothétique planche de Type III contenant quelques clichés au Type II. J'ai trouvé plus logique de réserver le nom de Planche 6 à une planche homogène au Type III qui est chronologiquement antérieure (avril/juin 1874) à la planche contenant un mélange de clichés aux Types II & III (août/novembre 1874); j'appelle cette dernière Planche 7.

Caractérisation des Planches 6 à 9.
Planche 6.
Au printemps de 1874, apparaissent des Types III qui présentent un aspect sensiblement différent de celui des Types III remplaçants de la Planche 5: impression plus fine, imbriquements souvent clairs, filets plus fins, bon alignement des clichés.
Point important à noter : les clichés sont alignés à la perfection ( à la différence des Planches 5 & 7). On ne sait pas si la Planche comporte un ou deux panneaux.
Première date connue: 14 Avril, pour un timbre appartenant certainement à la Planche 6, 5 Avril pour un Timbre appartenant probablement à la Planche 6.
Les dates d'utilisation s'étalent jusqu'au mois l'août, mais la période d'utilisation principale va d'avril à Juin. De très rares utilisations tardives en Juillet & Août.
Le tirage de cette planche représente seulement 20% des Types III de 1874, soit 4% de l'ensemble des Types III. Il n'a duré que 2 ou 3 semaines, si la Planche comporte deux panneaux; il a duré 4 à 5 semaines si la Planche ne comporte qu'un seul panneau.
Peu de timbres de la Planche 6 portent des défauts notables & cette planche sera difficile à reconstruire.

Planche 7.
La Planche 7 est la planche à laquelle appartient le fameux bloc de 20, dénommé 'Bloc Papadopoulos', dont la description a été réalisée par A. de la Mettrie.
C'est une planche à deux panneaux de 150 timbres, contenant toutes les reconstitutions partielles à Types II & III mélangés non placées dans la Planche 5.
Les clichés présentent des désalignements importants, tout à fait analogues à ceux de la Planche 5.
Les 5 clichés de Type II égarés dans la planche 7 sont présents dès le début du tirage.
Il y a eu une fracture du panneau B7 en Octobre 1874; la Planche a été réparée et au moins 4 clichés ont été remplacés (2 en A7, 2 en B7) par des clichés neufs au Type III.
Il s'agit donc à l'évidence d'une planche à clichés mobiles.
Première date connue: 24 Août, pour un timbre appartenant certainement à la Planche 7, 21 Août pour un Timbre appartenant probablement à la Planche 7
Les dates d'utilisation s'étalent jusqu'au mois de Janvier 1875, mais la période d'utilisation principale va de Septembre à fin Novembre.
Le tirage de cette planche représente 50% des Types III de 1874, soit 8 à 9% de l'ensemble des Types III. C'est la planche la plus utilisée du Type III.
La reconstruction du Panneau B7 est réalisée à plus de 95% (145 timbres placés à ce jour). Le Panneau A7 (celui du bloc Papadopoulos) est moins avancé (93 timbres placés, et une dizaine de reconstitutions partielles totalisant une cinquantaine de clichés).
Les deux panneaux donnent les mêmes fréquences moyennes de défauts et ont clairement toujours été liés en une même planche.

Planche 8.
La Planche 8 est la planche à laquelle appartient un autre bloc bien connu: le bloc de 60, dénommé 'Bloc Saint-Brieuc', également décrit par A. de la Mettrie, appartient au Panneau A8.
Première date connue: 25 Novembre, pour un timbre appartenant certainement au Panneau A8.
Les dates d'utilisation s'étalent jusqu'au mois de Mars 1875, mais la période d'utilisation principale couvre Décembre 1874 & Janvier 1875.
Le Panneau A8 est le seul bien caractérisé. Ce panneau comporte peu de défauts en début de tirage, puis apparaissent deux types de dégradations:
grosses taches blanches dans le médaillon sur de nombreux clichés
détériorations majeures des filets & des cartouches pour les timbres du bord supérieur & du bord droit du panneau (voir la variété Suarnet no 21 qui est en fait le 5A8 ).
Le Panneau A8 est partiellement reconstruit (110 timbres placés & 5 reconstitutions partielles totalisant 28 timbres). Le panneau A8 ne présente pas de désalignements aussi notables que les Planches 5 & 7. Toutefois, l'écart entre les colonnes verticales n'est pas constant. Il est nettement plus faible entre les colonnes de gauche qu'entre les colonnes de droite. De nombreux clichés (au moins 7) ont été remplacés en milieu de tirage.
Il s'agit encore d'un panneau à clichés mobiles.
Un autre panneau, dénommé Panneau B8, commence sa carrière fin Novembre, en même temps que A8. L'impression est en général lourde; les imbriquements sont foncés. De très grosses taches blanches du médaillon apparaissent courant Décembre sur plusieurs timbres de ce panneau. Bien que constantes, ces taches sont rares (fréquence deux fois plus faible que pour des défauts équivalents du panneau A8 ). La rangée supérieure de ce panneau est entièrement reconstituée, ainsi que la moitié de la deuxième rangée. Mais le reste du panneau est très mal connu (quelques reconstitutions partielles totalisent une trentaine de clichés ).
Dès le début de Janvier 1875 apparaissent des timbres qui n'ont la facture d'aucun des panneaux listés ci-dessus (A7,B7,A8,B8).La première date connue pour un timbre n'appartenant certainement pas aux panneaux cités est le 9 Janvier 1875 (bande de timbres du bord supérieur du panneau, qui ne peut certainement pas trouver sa place dans les reconstitutions déjà complètes des bords supérieurs de A7,B7,A8,B8).

Nous sommes en présence de trois hypothèses:
le panneau B8 a peut-être été réformé fin Décembre 1874 (ce qui explique la rareté des constances de ce panneau), et remplacé par un Panneau C8 qui aurait accompagné le Panneau A8 pendant la fin de son tirage.
sans être remplacé, un des deux panneaux A8 ou B8 a été profondément remanié, et toute la rangée du haut remplacée.
les panneaux A8 & B8 on été tirés en panneaux séparés et jamais assemblés en Planche de 2 panneaux.
On peut hésiter entre la 1 ère & la 3 ème hypothèse.

Planche 9.
Seules les deux rangées du haut et la dernière rangée sont partiellement reconstituées.
La rangée du bas comporte en fin de tirage la grosse variété Suarnet no 3.
Les alignements sont bons.

Au delà de la Planche 9.
En général , les planches postérieures à la planche 9 présentent des défauts nombreux (3000 constances connues, soit au moins 20 panneaux) mais connus chacun à très peu d'exemplaires (2 à 5). Un nombre au moins égal de défauts connus à un seul exemplaire, sont probablement des constances, mais attendent leur confirmation. (Ce qui nous oblige à admettre une quarantaine de panneaux). Les durées de tirage résultant de statistiques sur les fréquences de défauts donnent des durées très courtes : 2 à 4 semaines de tirage au plus.
Exceptionnellement, quelques centaines de défauts sont connus à un nombre élevé d'exemplaires (parfois 10 à 20), indiquant des durées de tirage de 2 à 3 mois.
Dans cette 2 ème catégorie entre un panneau d'Avril-Mai 1876 qui a pu être presque entièrement reconstitué gr‚ce au grand bloc Colonial de 110 timbres décrit en 1998 dans Timbroscopie. Il présente un désalignement de la 10 ème colonne. Il présente en outre plusieurs remplacements certains de clichés.
On trouve également ( en Octobre / Novembre 1875 ) un panneau (comportant de nombreux clichés à griffes) pour lequel les fréquences de défauts sont élevées , ce qui a permis des morceaux de reconstruction importants. Il n'y a pas de désalignement notable, mais les clichés sont anormalement espacées.
Un panneau (de fin 1875 également ), comporte des désalignements de clichés notables (bien que moins importants que ceux de la Planche 7).
Enfin, un panneau de Juin 1876 comporte des remplacements de clichés certains.
Un panneau de Juin 1876 (est-ce le même ?) comporte un tête-bêche rarissime.
Hypothèse provisoire :
Deux techniques ont été utilisées pour le Type III :
_ La première est celle utilisée pour la Planche 5 : clichés mobiles, souvent désalignés; espacement des clichés légèrement supérieur à l'espacement des perforations; panneaux appariés par 2 pour constituer une Planche. Durée de tirage de 2 à 3 mois.
_ La seconde est une technique de galvanos monoblocs, dont l'alignement des clichés est parfait; espacement des clichés égal à l'espacement des perforations; panneaux peut-être pas appariés par 2 pour constituer une Planche. Durée de tirage courte : 2 semaines si les panneaux sont appariés par 2, 4 semaines si ce n'est pas le cas. Le Musée de la Poste possède un exemplaire d'un panneau à clichés mobiles (en très mauvais état ) et un exemplaire de galvano monobloc ( qui d'ailleurs n'a jamais servi, car aucun des quelques gros défauts qu'il porte n'est connu sur timbre ). ( J'ai pu voir le premier panneau en Janvier 1957 avec P.Germain & A.Cailler; quant au second, il était exposé il y a quelques années dans une des salles du Musée).
Environ 5 à 8 Planches (10 à 16 panneaux) ont utilisé la technique des clichés mobiles. (en comptant les Planches 7 & 8).
On peut même penser que le nombre exact est de 7 planches (ou 6 ?), si l'on se réfère au nombre de 2073 clichés recensés en Juillet 1876, cité dans le document des Archives de la Monnaie. (Voir P.Germain p.39 du livre sur le 25 c Cérès Type II).
Environ 30 à 40 Panneaux ont utilisé la technique galvano monobloc.

Les angoisses de Monsieur Hulot pour le 25 c Cérès:
_ Après les débuts difficiles de Septembre 1871, le front de l'impression du 25 c Cérès a été assez calme jusqu'à la mi-1873 ( à part une petite, mais délicate, réparation en Juin 1872 sur la Planche 1 : changement du 128 D1).
_ En Juillet 1873, la Planche 2 (du Type I), devient inutilisable, malgré l'importante réparation du panneau A2 (remplacement, acrobatique sur un galvano, de la dernière rangée). La réparation donne à peine 2 semaines de survie à la Planche II, et Hulot reste avec la seule Planche 3 pour assurer la fabrication du timbre de la lettre ordinaire.
_ Hulot décide alors d'introduire la technique ( astucieuse ? ) des planches à clichés mobiles qu'il a déjà pratiquée .
L'essai se fait en juillet / août 1873 avec la planche 4. Les clichés mobiles présentent leur supériorité : Hulot constate dès le début des essais qu'un cliché ( 62 G4) a été placé tête-bêche; il peut procéder sans effort au redressement du cliché, et lance la production le 6 Septembre 1873.
_ Mais Hulot doit bientôt déchanter : la Planche 4, probablement mise sur une presse à grande vitesse, se dégrade rapidement (au bout de 2 ou 3 semaines) et il faut en assembler une autre d'urgence : ce sera la Planche 5, mais l'urgence se paye par un assemblage très peu soigné.
_ Craignant la catastrophe, Hulot veut avoir une deuxième corde à son arc et se retourne vers la technique des galvanos monoblocs, qui a prouvé sa fiabilité sur les galvanos de 1849, mais qu'il faut relancer.
_ La Planche 5, introduite en Novembre 1873, flanche (Décembre 1873) avant que la solution de rechange ne soit prête. Un remaniement très important de la Planche 5 (plus de 60 remplaçants aux Types II & III ) permet de la prolonger un peu, tout en continuant à utiliser la Planche 3 du Type I.
_ La nouvelle technique est prête (avril 1874) : la première réalisation sera la Planche 6. Mais les essais sont désastreux : la production cesse au bout de 2 semaines environ.
_ La Planche 3 assure seule le tirage et Hulot prend une double décision :

_ Se donner le temps de faire marcher la nouvelle solution à galvanos.
_ Réaliser, à nouveau en catastrophe une planche à clichés mobiles, pour le cas où la Planche 3 lâcherait avant que la solution galvanos soit prête. Ce sera la Planche 7, assemblée avec aussi peu de soin que la Planche 5.
_ La Planche 3 tient le coup, malgré une dégradation de presque tous les clichés (qui facilitent grandement la tâche des reconstructeurs de cette planche, la plus facile de toutes les planches du 25 c Cérès).
_ Les premiers essais de la Planche 7 ont lieu en Août 1874, et elle est mise en service à la fin Août; elle prend la place de la Planche 3, qui termine sa carrière après de longs et loyaux services.
_ Mais la technique des galvanos n'est toujours pas au point. Hulot décide donc de réaliser une autre planche à clichés mobiles : ce sera la Planche 8.
_ Nouvelle catastrophe : en Octobre 1874, alors que la Planche 8 n'est pas encore prête, le panneau B7 se fracture le long de l'intervalle entre les 3 ème & 4 ème colonnes (et même dans les intervalles 2 ème / 3 ème colonnes et 4 ème / 5 ème colonnes).
Octobre 1874 a été certainement dramatique pour Hulot : il s'est trouvé pendant quelques jours dans l'incapacité d'imprimer la valeur d'usage courant.
_ La Planche 7 est réparée à la hâte; on resserre les morceaux séparés; on en profite pour changer quelques clichés (dont l'énorme défaut du 141 A7, décrit en 1998 dans Timbroscopie). La planche 7 tient, cahin-caha jusqu'à fin Novembre 1874, avec plusieurs clichés dans un état de dégradation extrême.
_ La Planche 8 vient prendre la relève à fin Novembre. Ouf ! ..., mais elle lâche vers la fin décembre. On la répare, on change des clichés (au moins 7), et elle tient quelques semaines de plus.
_ La technique galvano est enfin au point dans le premiers jours de Janvier 1875.

_ A partir de ce moment, l'histoire devient plus imprécise.
Il semble que la majeure partie du tirage utilise la technique galvano; mais ces galvanos n'ont rien à voir avec les galvanos de 1849 : ils assurent quelques semaines de tirage et sont remplacés.
Il semble aussi que Hulot ait fait réaliser quelques planches à clichés mobiles, qui servent en secours , notamment de fin Septembre à fin Novembre 1875, et en Avril / Mai 1876. ( peut-être aussi en Décembre 1875 et en Juin 1876 ).
En tous cas, Hulot n'a jamais retrouvé la fiabilité des techniques galvano de 1849 et a dû se contenter de planches dont la plus fiable a tenu à peine 3 mois (Planche 7), alors que les Planches 2 & 3 ont largement dépassé l'année.
Cette reconstitution hypothétique des affres de Monsieur Hulot ne doit pas être très éloignée de la réalité.
Toute information pour la confirmer ou l'infirmer sera la bienvenue.
Il serait intéressant de savoir, en fouillant les archives :
_ s'il n'y aurait pas eu par hasard une pénurie de 25 c en Octobre 1874, et aussi peut-être en Octobre / Novembre 1875 et en Avril / Mai 1876.
_ si Hulot n'aurait pas acheté vers le 4 ème trimestre 1873 une presse d'un modèle nouveau. (à grande vitesse). On peut penser que la sévérité des problèmes rencontrés sur le 25 c est dûe au fait que les planches ont été soumises à des contraintes mécaniques plus sévères. Le volume de production nécessaire pour la valeur d'usage courant obligeait à des solutions techniques plus risquées.
Il faudrait aussi se livrer à une analyse plus détaillée des caractéristiques des bordures de feuille attenant à des timbres de Type III. Il est probable que cette analyse fera apparaÓtre deux catégories de bords de feuille.